
20 Oct Jubilé de la Gravure Originale.
Après Saint Sulpice et sa foire de l’estampe contemporaine, s’il y a un autre haut lieu incontournable de l’estampe parisienne, c’est bien la fondation Taylor qui présente régulièrement de très belles expositions de gravure. En ce moment (jusqu’au 24 octobre) : « 50 ans d’estampe – 1970 -2020, jubilé de Gravure Originale.«
Et quand je dis incontournable, j’y ai croisé un collègue de l’atelier aux lilas 😉
Gravure Originale.
Avant de commencer, petite précision lexicale : vous constaterez que « Gravure Originale » s’écrit, ici, avec des majuscules. C’est tout simplement qu’il s’agit de l’association du même nom :
« La Gravure Originale est une association, gérée exclusivement par des amateurs et collectionneurs d’estampes. Indépendante des règles du marché traditionnel de l’édition commerciale, elle a pour objet la promotion de l’estampe, création originale d’artiste, imprimée en multiples exemplaires mais en nombre limité. »
Site de la fondation Taylor.
Pour les curieux, définition de la gravure originale (tout en minuscules) 😉
« Dont l’élément imprimant a été réalisé par l’artiste, lui même – en principe – auteur du dessin original. »
Dictionnaire technique de l’estampe, André Béguin.
L’expo.
L’exposition était intéressante car elle présentait un large panel des techniques de l’estampe (139 estampes). Je ne me souviens pas y avoir vu de lithographie mais la sérigraphie était représentée par Eva Largo.
J’ai eu l’occasion de découvrir le travail de graveurs que je ne connaissais pas encore.
- Andrea Boyer et son incroyable maîtrise de la pointe sèche : un gros plan sur un veston fermé. Le rendu de la texture donne envie de le caresser.
- Vincent Villard : une aquatinte en couleur avec des collages pour donner de la 3D, mais surtout beaucoup de peps et d’humour.
- Piotr Szurek : un autoportrait à l’eau forte qui dégage beaucoup de force.
Pour mon plaisir, j’ai enfin pu voir une œuvre de Jean Logde en vrai ! (Lorsque j’ai commencé la gravure je me posais beaucoup de questions, et suite à mes interrogations sur le bois et le portait, N.Sochos m’avait fait découvrir son travail que j’ai tout de suite admiré).
Enfin, je me suis longtemps arrêtée devant un burin de Nathalie Grall. Elle aussi fait partie des graveurs que j’admire depuis mes débuts. La spontanéité picturale qui se dégage de ses burins me laisse chaque fois béate d’admiration.
Cécile Combaz, graveuse non conventionnelle.
Parmi toutes ces belles pièces, c’est une xylogravure assistée par ordinateur de Cécile Combaz qui fut mon coup de cœur. Elle représente un des portraits iconiques de Rembrandt.
Je trouve que le choix de la référence est fort approprié. En effet il y a quelques temps, une exposition sur l’art numérique présentait la copie d’un Rembrandt réalisée par une IA. Cécile trame le portrait de manière circulaire (en référence au burin de Claude Mellan) et le grave en plusieurs couleurs.
J’ai trouvé que c’était ce qu’il y avait de plus audacieux dans toute cette expo et Rembrandt lui-même semble affolé par ce qu’elle fait subir à la technique ! J’adore !
Xylogravure assistée par ordinateur.
Personnellement, j’admire aussi le fait qu’elle ai osé utiliser un ordi et qu’elle le revendique : « A0 » !
Il y a quelques années, je suis allée dans un Fablab pour m’initier à la gravure laser. L’idée étant de pouvoir obtenir un résultat quasi photographique pour certaines de mes gravures sur bois (idée que j’ai eu après avoir vu la gravure sur bois de Fortuné-Louis Méaulle, Le Burg à la croix, d’après Victor Hugo). Outre le fait que les machines et ordi ont planté à l’instant même où je suis entrée dans la salle, cette idée n’a jamais aboutie pour une raison toute bête : si l’utilisation de la trame et de l’ordi ne me pose aucun problème pour la sérigraphie, pour le bois, je me suis demandée ce qu’il en était du geste artistique. J’avais le sentiment de tricher.
Mais Cécile ne triche pas ! Et c’est ça que j’admire dans son œuvre. Le processus est visible ! Il semble même en être le sujet et Rembrandt seulement le prétexte ou le support. Quand j’ai vu le travail de loin, j’ai trouvé ça drôle que quelqu’un tente d’imiter un ordinateur… Mais il n’y a là aucune imitation, juste un dialogue entre les arts, les techniques et les époques avec beaucoup d’humour et de belles références à l’histoire de l’estampe. D’ailleurs le titre de cette estampe n’est autre que « clin d’oeil ». Fort judicieux n’est-ce pas ?
De quoi nous donner le tournis comme à ce cher Rembrandt. 😉

Clin d’oeil, expliqué par l’artiste.
Cette estampe est un clin d’œil (c’est son nom) aux graveurs et amateurs, avec une double référence : à Rembrandt, un de nos maîtres, pour le contenu, et à la gravure La Sainte Face de Claude Mellan pour la forme (les cercles concentriques partant du bout du nez rappelant la spirale du burin de Mellan). J’ai cherché à entrecroiser les traits à la manière de l’eau forte de Rembrandt, et à retrouver une couleur proche du sépia des gravures anciennes par la superposition de deux couleurs vives. Pour arriver à cela j’ai créé deux matrices en bois, gravées par une fraiseuse numérique (d’où le terme gravure AO : gravure Assistée par Ordinateur).Finalement on voit un portrait tramé imprimé avec des couleurs « pop », une forme et des couleurs très explorées dans les années 1960 et 70, et que j’affectionne particulièrement.
Cécile Combaz.
Montfermeil, le 19 octobre 2020
Merci à Cécile Combaz et Christian Massonnet pour leur autorisation à publier Clin d’oeil.
Pour plonger plus au cœur de l’estampe :
- Fondation Taylor
- Atelier aux Lilas pour la typographie et l’estampe.
- Eva Largo.
- Nathalie Graal
- Cécile Combaz.
Autres liens :
- La belle vie du numérique à la fondation EDF.
- Découvrir d’autres graveurs non conventionnels.
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