
07 Nov Brouillard automnal
Ce matin j’ai assisté par zoom à la réunion mensuelle du collectif. Le thème devait porter sur comment avancer pas à pas quand on ne peut pas avoir de vision. Finalement nous n’avons pas trop abordée le « pas à pas » ni la « vision » de l’artiste, mais plutôt sur comment créer du lien avec notre public en ces temps troublé. En effet l’art s’adresse à la fois à une personne (celle a qui l’œuvre va parler) et à un groupe (le public). Ce groupe peut être unis ou non. En ce moment il est désorienté. L’idée de brouillard est ressortie ou s’est fait sentir plusieurs fois. C’est pour cette raison que j’ai choisi ce titre faisant référence à un autre compte rendu de réunion : « brouillard estival ».
Revoir ses positions.
Cette réunion m’a permis d’être plus compréhensive envers les autres. Mon positionnement de jeudi était peut-être un peu rude, non pas que je revienne sur ce que j’ai dit. Plutôt le nuancer. Les artistes qui restent là, juste à pleurnicher… Franchement, je leur répète chaque mot de ce que j’ai écrit.
Là où je veux nuancer mon discours c’est que j’ai pris en compte le côté matériel, terre à terre de la chose mais je n’ai pas tenu compte du ressenti. Pour moi c’était :
« sois t’as prévu le coup et tout va bien »,
soit :
« t’as été couillon et maintenant t’assumes ».
Attention mon raisonnement ne s’applique qu’aux artistes car je pense que nous avons la chance de pouvoir nous adapter et rebondir facilement, notre force étant notre capacité à innover et à s’approprier de nouveaux outils.
A aucun moment, je n’ai pensé au côté sentimental de la chose. L’idée d’avoir quelque chose qui nous tient à cœur de faire, qu’on croit vraiment qu’on va pouvoir faire jusqu’à ce que tout vole en éclat. C’est l’intervention de CatD qui m’a ouvert les yeux. Son témoignage a su toucher quelque chose au fond de moi comme l’avait fait la femme qui est à l’origine de l’installation « pleine mer ».
Comme un rugbyman qui va franchir le mur.
CatD, ancienne médecin coordinatrice d’Ehpad à l’origine du projet « allons à la plage », pensait vraiment que cette fois-ci elle pourrait rendre visite aux résidents de l’établissement. Mais voilà que par suite d’une suspicion de cas, les portes se referment. Elle s’est vraiment sentie plaqué au sol par le Covid.
Le jeu social est bloqué.
Je pense que si cette rencontre lui tenait tellement à cœur, c’est pour ce que ça apporterait aux personnes âgées qui vont une fois encore se retrouver totalement seule.
Je dis « totalement » car, pour avoir fréquenter ce genre d’établissement à l’époque de ma grand-mère, je sais que certains enfants y mettent leurs parents histoire aussi de se débarrasser d’eux. Les visites extérieures sont donc d’autant plus précieuses qu’elles leurs montrent qu’ils existent toujours et qu’on ne les oublie pas.
La peur, la joie.
Bref. CatD n’avait plus l’envie de créer puis elle a rêvé d’une sculpture :
un rugbyman qui traverse un mur.
Au début elle n’était pas convaincue à l’idée de se lancer dans quelque chose qui n’avait pas à voir avec les pistes qu’elle développe puis elle s’est aperçue que ça rentrait dans le cadre de « la peur, la joie », thème d’un collectif d’artistes dont elle fait partie.
Cette constatation lui a permis d’aller chercher une buche, de la soulever, de la tronçonner. De se mettre en mouvement.
Outre le fait que son témoignage m’a ouvert les yeux, je trouve que l’idée de sa sculpture est très forte. Elle est une très belle représentation de la période actuelle et, d’un point de vue plus personnel, correspond à ma façon de voir la vie :
foncer, franchir les obstacles mais pas sans préparation.
La nécessité de l’art.
Son témoignage montre la capacité de l’art à rendre compte de situation tendue et à remettre les gens en action. L’art est vraiment un moteur.
Ce genre de témoignage est très important pour moi, car si certains sont convaincus de la nécessité de l’art et savent dire pourquoi, ce n’est pas mon cas. Actuellement, j’en suis simplement à l’étape où je me dis « si je ne peux pas vivre sans art c’est que je ne suis pas la seule ». Pourquoi je ne peux pas vivre sans art ? Pour le moment la réponse est dans mes tripes mais pas dans ma tête.
Le lien au public.
Une relation sur le long terme.
Nous avons abordé l’exemple de mon livre. J’ai compris que si le confinement ne m’impactait pas, c’est parce-que j’ai réussi à établir une relation sur le long terme avec ma communauté et dans mon travail. C’est-à-dire que je ne travaille plus d’une expo à l’autre mais que je suis sur un cheminement qui s’établit sur de longs mois, voir années (pas mal pour quelqu’un qui se dit encore que c’est un miracle d’ouvrir les yeux chaque matin 😉).
En ce moment, Anne Iris (que je cite souvent, mais qui m’apprend tellement !) a plus de mal à entretenir ce lien. Probablement dû au fait que des liens personnels se sont cassés. Néanmoins elle continue de poster chaque jour sur insta. Je pense que c’est très important car ça permet de rester présent dans l’esprit des gens.
Inverser les habitudes.
Il y a quelques mois j’avais entendu David Reckford parler d’une idée :
Aller chez les gens, ressentir leur intérieur, les vibrations de leur logement, et leur proposer une œuvre sur mesure.
J’avais adoré l’idée. Ce matin j’ai eu la joie d’apprendre que cette idée voyait le jour ! Comme l’a fait remarquer Anne-Iris, généralement c’est le public qui se déplace chez l’artiste et non l’inverse.
L’investissement artistique.
Après avoir fait bilan, Camille nous disait que si son expo avait remboursé les frais matériels, ça ne remboursait pas la baby-sitter. Olivier est revenu sur le fait que l’art est un investissement sur long terme mais, si on y regarde bien, beaucoup moins risqué que d’autres domaines. Il nous a donné de nombreux exemples qui m’ont rappelé qu’effectivement l’eurostar n’était toujours pas remboursé !
PS : le fait d’avoir fait la réunion en zoom m’a permis de découvrir le sanglier sur lequel Camille travaille en ce moment. J’espère avoir la chance de le voir en vrai un jour. Il m’a beaucoup plus.
Montfermeil, le 7 novembre 2020
(3mois que je suis mariée 😊)
Liens complémentaires.
- Groupement intensité, le collectif dont je fais partie.
- Autre compte rendu de réunion sur l’art et le confinement.
- Tous les comptes rendus du collectif du groupement intensité.
Les artistes que je cite :
- CatD et son projet « allons à la plage« .
- Anne-Iris Caillette.
- David Reckford.
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